L’installation Archisalé – l’esprit de la ville ressemble à un plan d’urbanisme, à une maquette avec ses barres d’immeubles rectilignes, ses fenêtres répétitives, ses longues annexes en porte à faux défiant les lois de l’apesanteur, ses larges artères, ses passages et ses tours. Sous la lumière des projecteurs la ville étincelle dans sa blancheur : elle est faite de sel, un matériau minéral chargé de significations et de symbolique. A intervalle régulier, les projecteurs s’éteignent et plongent la salle dans l’obscurité. La ville rend alors la lumière dont on l’a jusqu’alors si abondamment pourvue : elle est recouverte de pigments phosphorescents. Elle irradie dans le noir, telle une présence fantomatique, elle émet des sons, craque, soupire, vibre. Ses bâtiments qui semblaient si stables, si inaltérables, paraissent alors insaisissables et dépossédés de leur matière solide.
Vide de ses habitants, totalement déserte, lunaire, la ville semble perdre sa fonction première d’habitation et acquiert son identité propre, tel un organisme vivant, innervé, une entité à la fois protectrice et inquiétante.
Dans le contexte urbanistique de l’Ouest lausannois, une telle œuvre ne manque pas d’interroger : cette ville tentaculaire, qui fournit une forme de sanctuaire poétique aux exilés de jadis et actionne un pan de l’histoire Suisse, nous tend également un miroir sur notre aujourd’hui, en mettant en exergue les destins des émigrés économiques de tous bords. En cela elle est éminemment actuelle, voire atemporelle, d’ailleurs les matériaux utilisés pour cette œuvre – sel et lumière – renvoient le visiteur à des considérations séculaires, quasi bibliques.
Son caractère dystopique interroge également notre rapport à l’espace construit : il fournit un support de réflexion sur la gestion du développement exponentiel que connaissent les agglomérations romandes en ce début de siècle.
Quelle est la vocation première d’une ville, quelle est sa raison d’être au sein de la société du XXIème siècle, pour qui se développe-t-elle et dans quelle direction, telles sont les questions qui peuvent être abordées en parallèle à la présentation de cette installation.
Photos: Léonie Guyot